« Tu sais quoi? Y'en a marre, j'me tire » que je souffle en balançant mon mégot de cigarette plus loin, et tant mieux s'il enflamme toute la ville. Si j'étais de bonne humeur ce matin - même si me lever est la pire chose du monde, surtout quand ça inclus devoir le plus doucement du monde me détacher du corps d'Alba après trop peu d'heures de sommeil - ça vient absolument de tout gâcher. Si Rayan est le meilleur pote que l'on peut avoir côté beuverie et conquête, il est aussi con que les autres quand il est temps de parler des choses sérieuses. Aussi con que les croyances nazes d'Alba, en fait, et si déjà elle me blase avec sa certitude qu'on va tous crever, eh bien venant de lui, ça me fait royalement chier. Il ouvre la bouche pour dire quelque chose, sans doute conscient de ce qu'il vient involontairement de provoquer - je suis une putain de bombe à retardement - mais je suis plus rapide à la détente « Au lieu de rechigner sur un sort peu probable, mon vieux, tu devrais aller sauter une fille, ça me donnerait moins l'impression qut'es pédé ». Je passe la main dans mes cheveux, entre dans le studio pour prendre ma veste, et fout le camp, mon appareil entre les doigts, sans doute le bien le plus précieux que je possède, hormis ma propre carcasse « Me cherche pas, on se revoit demain ». Je marche sans but précis que je me rappelle avoir pourtant un shooting d'ici trois quart d'heures, bah tant pis hein, j'suis vachement pas d'humeur à me coltiner qui que ce soit, là, maintenant, tout de suite...

Ally, je suis au port. Si t'es dans le coin... Je sais même pas pourquoi je lui ai envoyé un SMS, elle risque justement d'attiser ma colère qui gronde encore dans mes veines à propos de 2012. Putain, c'est que des conneries auxquelles y'a trop de gens qui portent attention, puis de toute façon, si on est pour crever, vaut mieux tirer profit de l'instant présent au maximum au lieu de se ronger les sangs à propos de ça. Je soupire, pose mes fesses sur la ballustrade, regardant l'horizon. Je sais pas pourquoi ça me fout en rogne à ce point-là, mais ça le fait clairement. Y'a seulement avec l'oeil dans l'objectif que je me calme, détaillant l'horizon à travers la lentille, prenant une photographie de la côte, l'eau qui mord sur les rochers, sous moi, dévorant le sol rocheux à créer une érosion lente et inéluctable. Je secoue la tête, passant la main dans mes cheveux. Je sais même pas si elle va venir, je sais même pas ce qu'elle faisait, aujourd'hui. C'est vachement digne d'un petit copain, mais y'a longtemps que les gens ont compris que j'fais rien comme tout le monde, ce rôle-là y compris. Je commence à me résigner, foutant les mains dans mes poches que des paumes se pressent sur mes yeux. Je souris, posant mes propres mains dessus, entrelaçant mes doigts entre les siens « Tu as traversé toute la ville pour venir me rejoindre? ». Je ne sais pas si c'est le cas, mais ce serait son genre. Si je fais aucun effort pour faire mine d'avoir envie de me poser, c'est elle qui fait des pieds et des mains pour me supporter...